Au
lieu d'accompagner mes aînés sur le chemin de la révolte, la
sagesse me conseille de m'en remettre pour toujours à un pays. De
lui, d'une maison, d'un cimetière reconnu chaque matin derrière une
fenêtre, d'une tour, d'un clocher, d'une perspective, je reçu le
droit de vivre sans nourrir de vaines espérances. Alors qu'enfant je
désespérais de voir s'évanouir l'été, j'accueillis, jeune fille,
toutes les saisons avec une égalité d'humeur qui étonna mon
entourage. Les orages et les tempêtes, après m'avoir effrayée, me
devinrent aussi nécessaires que le calme des belles journées ;
leur violence apaisait la mienne.
Un
jour de promenade, alors que j'observais la nature autour de moi, le
jeu de l'ombre et de la lumière me renvoya à celui du bien et du
mal. Où se disait l'un, où se déclarait l'autre ? Qui
connaissait les règles de ce jeu-là ? Dès lors, je me méfiais
des gens vertueux, de leurs bontés, de leurs services. Comme la mère
qui protège l'enfant disgracié, je me rapprochai du mal auquel je
trouvais des excuses et une utilité ; celle de mettre en valeur
le bien. Il m'arriva même de le préférer au bien ou à ce qu'on me
présentait comme tel. Le sentier qui menait à ma vérité, n'était
pas droit, et ce n'étais pas dans les livres de théologie de mon
père que je trouverais la réponse aux questions qui se posaient en
moi. Je ne pouvais me fier qu'à ma bonne volonté et à mes
réflexions...
« Notre
séjour à Bruxelles n'aura servi à rien ! Dit Charlotte.
Je
ne suis pas de cet avis. Il aura servi à nous prouver qu'il n'y a de
salut qu'en nous. La paix, l'espérance et la joie sont en toi,
Charlotte, nulle part ailleurs ».
Emily
Bronté
Drôme provençale en avril